MR MOJO RISIN

Publié par Vent d'Autan le

© Vent d’Autan

« Je suis un être humain, sensible, intelligent, affligé de l’âme d’un clown qui me force toujours à tout gâcher aux moments les plus importants… » James Douglas Morrison

De plein pied, une météorite venait de tomber du ciel, sans que pour autant les astres s’en offusquent. Dans sa grande mansuétude, l’Olympe faisait grâce de cet oracle dionysiaque, fragment de poussière cosmique. Fulgurance d’une comète dont le sillage poudré d’or n’était que poussière de sable. Et si tout ceci n’était que l’interprétation d’une légende ancienne, colportée depuis la nuit des temps. Qui de nos jours racornis puisse encore prêter l’oreille à tel folklore de pacotille ? Malgré les solennelles imprécations, la fascination s’opère face aux dépends de sulfureuses certitudes, entre orgueil et préjugés.

« Les nuages se fanent et meurent. Le soleil, un crâne orange chuchote, devient une île, et s’en va. » The Lords

Surgi de nulle part au milieu de ce désert brûlant, le chaman à la peau cuivrée s’approche de l’aube, son corps bien plus éclatant quand brille le soleil. Passeur d’âmes revenu du territoire des ombres, à la source de la création il sillonne la trame des profondeurs jusqu’à redéfinir les frontières, corridors subtils à travers les interstices des portes de la perception. Dans l’épaisseur du réel, il plie son corps en cercles concentriques, le chant du tambour psalmodie l’incantation à la croisée des mondes invisibles. Parallèles. Juxtaposés. Tourbillons indien.

« Un ange passe dans un éclair. Dans la chambre un fantôme nous précède. Une ombre nous suit. Et à chaque fois que nous nous arrêtons, nous tombons. » Wilderness

Dehors le tonnerre gronde face au visage noir de la nuit. Lorsque l’astre pointe au zénith, le lézard aux écailles d’émeraude, embusqué entre les épines d’un féroce cactus, engloutit les braises incandescentes des feux du soleil rouge. Dans l’attente de croiser un destin plus favorable, le souverain reptilien en proie aux puissances du hasard. Silhouettes fugitives dans l’épaisseur des brumes. Vision onirique. La cérémonie peut commencer….

« Le Désert- bleu rosé métallique et vert insecte. Miroirs blancs et étangs d’argent. Un univers  dans un seul corps. » La Nuit Américaine

© Vent d’Autan

Plus éloigné parait l’horizon, laissant au lointain les clameurs tapageuses. Face au spectre du succès, les cendres froides du poète nous font vaciller dans la transe de sa syncopée musicale des mots. Le monde extérieur est devenu si infréquentable, que seul le langage poétique apparait comme ultime repli, extatique pâmoison face aux désirs immodérés. Ne jamais se fier aux apparences.  

Barde improvisé, éphèbe bacchanale, rock star déclinée, poète maudit, âme torturée. Sous les auspices du psychédélisme, la personnalité tourmentée de Back door man cultive son propre mythe à travers les vapeurs de la révolution hallucinée. Abus corporel de langage appesanti dans les fumées de l’ivresse. Son influence se manifeste tel l’uppercut d’une poignante incantation. Un chant viral qui vrille de l’intérieur et  vous fait vaciller au bord d’empreintes les plus viscérales.

« La floraison d’êtres divins dans l’air muet paraîtrait étrange à un intrus hors du commun. Mais c’est tout ce qui nous reste pour nous guider maintenant qu’il est parti. » La Nuit Américaine

© Vent d’Autan

En d’autres temps, en tout autres lieux, territoire de fugue au fil des méandres et sinuosités de la Meuse sauvage, en proie aux dérèglements de tous les sens, où le poète aux semelles de vent se fit Voyant. Illuminations et Alchimie du verbe. Ardennes lointaines.

Je est un autre. L’autre est un jeu. « Un homme de mots ». Au même titre que Rimbaud; transformer le monde par les mots reste l’expression la plus vivante de l’art poétique. Repousser les limites, bousculer les codes, transgresser les interdits, tutoyer les abîmes, franchir les portes.

« Il y a le connu, il y a l’inconnu,  entre les deux se trouvent les Portes ». La Nuit Américaine

Poètes révoltés contre l’ordre des choses, voleurs de feu épris d’absolu. Saisons en enfer. Deux étoiles filantes au firmament. Arden lointain.  

“Le chemin de l’excès mène à la sagesse » William Blake

© Vent d’Autan

Privée de tout élan vital, l’époque se rétrécit, muselée dans les replis de ses peurs les plus ancestrales. Spectatrice désabusée, sous l’influx sépulcral des grands fléaux de la prochaine apocalypse. Le chaos comme caisse de résonance. Lyrisme saccadé et suffocant. Cicatrices au bord de la faille. Tragédie des corridors. Censure des mœurs. Abus de langage. Intelligence soporifique. Marchands de sommeil. Asthénie psychique. Ennui mortel. Et les poèmes, qui restent retranchés entre les pages, vierges de mots. Atones.

Qu’ont-ils fait à la terre ?
Qu’ont-ils fait à notre sœur si pure ?
Ils l’ont dévastée, pillée, éventrée, déchirée,
percée de couteaux au flanc de l’aube,
entravée de clôtures et traînée de force.
J’entends un bruit très doux …
Avec votre oreille collée au sol …

Une légère odeur de souffre se dégage du cœur des hommes. Le temps, fluide et constant égrène ses errances au sein d’un entracte ininterrompu. Entre chaque page blanche,  les pensées restent inachevées, suspendues au fil d’une histoire à fond de cale. Quelques passants qui déambulent le long de la grisaille des circonstances. Sans fard, ni paillette, la lune rousse déclinante, témoin mélancolique de l’opacité ambiante. Et le vent qui s’ébroue, souffle de regrets.

« Nous nous contentons du « donné » dans la quête des sensations. Nous avons été métamorphosés d’un corps dansant sur les collines  en une paire d’yeux fixant le noir. » The Lords

Au crépuscule des idoles, une musique échappée du ciel traverse les concrétions désertiques. En cet endroit barbare où brule un feu ardent, la terre meurtrie convulse, elle se crispe, se contracte, se craquèle, se contorsionne, se ride de la laideur du monde. Entre les failles béantes, le grand lézard se faufile jusqu’à l’endroit caché d’une des portes conduisant aux Enfers, voir même au seuil du Paradis. L’accès ne dépend point du chemin à emprunter, mais de l’âme du voyageur qui en franchit le passage. Quelque chose de flamboyant et de vertigineux affleure des arcanes du Cosmos. Cavaliers de l’orage.

Sur la pointe des pieds, la transe chamanique du Dieu de l’énergie de la révolte. Dionysos, deux fois né, dieu de la renaissance et de l’éternel recommencement. « Dionysos, fluide de la vie toujours renaissante, des transgressions alchimiques réglant les passages de la mort aux renaissances. Dieu des initiations.  Pierre-Yves Albrecht.

«Au son profond des tambourins chantez Dionysos le dieu de l’évohé, par vos clameurs, par vos chants phrygiens, tandis que l’harmonie flûte fait résonner les saints accents, rythment l’élan qui vous emporte vers la montagne. » Les Bacchantes- Euripide

« Il me parla. Il m’effraya avec son rire. Il prit ma main, et me mena plus loin que le silence  jusqu’à la fraîcheur chuchotée du tintement des cloches.» Seigneurs et nouvelles créations.

La mort n’est plus que sottise. This the end….