LA POÉSIE COMME TERRE D’EXIL

Publié par Vent d'Autan le

La poésie comme seul remède aux idées reçues et perçues.

Assis sur le rebord des cimes, il contemple avec ferveur la course effrénée du cheptel de nuages, en suspension au dessus du vide abyssal. Tandis que les plus intrépides du lot filent bon train vers de lointaines contrées à flanc d’horizon. À l’arrière, dans les trainées de leur panache d’écume s’égrène le peloton de queue à la poursuite de l’âme sauvage amoncelée en cotonnade.

Bien plus en retrait, quelques paresseux et autres songeurs préfèrent rester accrochés en chapelet de grappes à la hauteur de sommets immaculés. Campés à l’apogée des crêtes comme pour composer de somptueux paysages qui ont le pouvoir d’aimanter les randonneurs friands d’insolite, certains de rapporter de leurs escapades buissonnières un peu de cette poésie des hauteurs.

En ce firmament tombé des nues, nul podium espéré, juste l’apanage du vent, seul à jouir de son privilège à la surface des trajectoires ascensionnelles. Vu d’ici, l’effervescence de l’en bas n’est plus qu’une simple perspective de l’esprit imprégné du sens aigu de l’observation des divinités du ciel et du vent. L’un n’allant pas sans l’autre, intimement liés par les forces occultes des éléments avant que ne s’active la symphonie des éclairs. La poésie comme pour dépeindre la douceur des instants.

Deux mondes distincts et différenciés, façonnés par la nébuleuse de  vases clos au gré des allées et venues d’un morne quotidien où se frôlent les âmes fourbues de ces êtres d’ombre et de lumière, indifférents les uns aux autres, étrangers au chassé croisé de leurs propres destinées. Chacun taisant si bien leurs propres tourments qu’ils puissent se croire invulnérables, insensibles à la porosité latente des paroles de louanges recluses jusqu’à l’ornière des jours ingrats. Coulisses d’un rendez-vous manqué.

Face à tels précipices qui font déchanter bien des cigales, l’air du temps inflige son lot de facéties et de comédies, pénible spectacle dont chacun connait la moindre des joutes verbales. Les uns contre les autres, face à face, à contre courant, sans contrefaçon. Égocentrisme versus Fraternité, sur les chemins de la décadence.

Combien, voyant les années de doute défiler de la sorte ont renoncé à poursuivre leur chemin ? Combien se sont tus, détourant l’attention de cette petite voix d’enfant déçu, déchu de l’âge tendre des culottes courtes ? Et combien d’entre eux trouveront force et  courage de définir leur dessin comme une ligne d’états d’âme au-delà des préjugés, prêts à tordre le cou à plus d’un à priori ? Combien de résilients…

À se fondre dans le décor ambiant, l’humain s’adapte plus vite à son environnement, même si malgré tout il reste quantité de grain à moudre. Agressive et fourmillante, la ville et ses lumières, dans la fougue de ses fugaces éclats s’impose comme une hystérie collective dont le processus tente de saisir au vol les coups de gueule et les coups de sang comme une violence obsessionnelle, jusqu’à imposer ces idées reçues au sein d’un monde déstructuré. Nul doute que ce huis clos continuera de faire planer une étrange atmosphère d’intranquillité. La poésie où elle n’est plus.

Écrire sur les murs des mots d’innocence et de naïveté. Dessiner à la craie des jeux de marelles qui, à cloche-pied nous conduiront jusqu’aux portes du ciel. Sauter à la corde tout en fredonnant ces comptines de souris verte ou de poule sur un mur. Peindre les couleurs inhabituelles des horizons absents. Illustrer les nouveaux panoramas sous la bannière de l’art dans la ferveur de ses splendeurs. Ouvrir en grand l’album du monde avant qu’il ne soit trop tard, pour que chacun porte sa propre pierre à l’édifice pour la réhabilitation de l’univers. Vivre, respirer, être, exister, s’encanailler d’une belle histoire d’amour. La poésie pour faire briller la noirceur de l’obscur.

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