JUSQU’AU BORD DE L’HORIZON

Publié par Vent d'Autan le

« Rêve comme si tu vivais éternellement. Vis comme si tu allais mourir aujourd’hui. » James Dean

Au volant de sa belle Italienne il file vers ces paysages côtiers illustrés à l’encre brune et au lavis de crachin. Qu’importe la douceur des courbes et des carnations en demi-teinte, l’aventure le pousse jusqu’au plus profond de ses retranchements, aussi loin que les ombres soulignent la lumière vaporeuse des grands espaces projetés en réalité poétique.

Seul le feulement caractéristique du moteur le ramène à un semblant de réalité ordinaire, les yeux rivés sur l’asphalte des routes buissonnières. Tailler la route, synonyme de raffinement et d’exigence. S’approprier les lieux aux arômes subtils jusqu’aux premières de l’aube. Déjà cette envie d’évasion dans l’air du temps, devenu son thème favori.  Sans carte, sans boussole, sans montre, laissant libre cours à la fantaisie de ses incursions en prose.

Enivrés par les vapeurs de benzine, les chevaux impriment leur fougue au travers de cette cavalcade vers l’inconnu. Les mains agrippées au  volant, étourdi par les sens, grisé par le son de l’autoradio vociférant ses chapelets musicaux. Pied plancher, zone rouge, les aiguilles à la verticale, les yeux rivés sur l’horizon, à fleur de bitume. Talon pointe, double débrayage, la gomme qui crisse à chaque virage, insolent défi face aux fourberies centrifuges. Les images qui filent et qui défilent, saccadées, noir et blanc. À bout de course. Shoot d’adrénaline révélé par le reflet du visage de l’idole dans le rétroviseur. Emporté par une cohorte de séraphins, les contours découpés émergent de la nébulosité. Fureur de vivre. Abolition du temps et de l’espace.

Destinée à être englouti, le lointain, effacé dans les nuances d’un paisible coucher de soleil. Tout à coup le paysage devient silencieux, baigné de lumières déployées en ombellifères. Pendant ce laps de temps, sans fausse note passe une brise fraîche soufflant sa touche de légèreté. Brossant son inimitable chevelure gominée, son regard fuyant se perd dans le vide qui semble sans fin. Pas question que le voyage s’achève en bout de course. Le temps n’est que tourbillon.

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