TOUTE AMBIGUÏTÉ NE SAURAIT ÊTRE QUE DOUTE

Publié par Vent d'Autan le

Évaporés, envolés, emportés dans la mouvance des volutes, les mots qui vont, qui viennent, qui s’en vont et qui s’en reviennent. Et si ce n’était là que le début d’une nouvelle aventure, d’un long parcours atypique à la poursuite des prodiges de l’Alpha et de l’Oméga, aux saveurs de nobles matières artistiques?

En embuscade, juste après les crampes et les doutes,  l’étrange silence de l’absence, et l’angoisse grandissante de cette solitude retranchée. A l’autre bout de l’embarcadère, l’envolée des mots, ceux qui accompagnent avec ferveur textes et musiques, échappés de leur précieux abécédaire. Partout et nulle part, sur tous les fronts, minuscules petites bulles de savon soufflées par la beauté du geste, qui fait la part belle aux souvenirs d’enfance. Imprévu d’un second souffle poussé par l’osmose des vents.

Évaporés, envolés, emportés dans la mouvance des volutes, les mots qui vont, qui viennent, qui s’en vont et qui s’en reviennent. Et si ce n’était là que le début d’une nouvelle aventure, d’un long parcours atypique à la poursuite des prodiges de l’Alpha et de l’Oméga, aux saveurs de nobles matières artistiques?

Par simple passion ou par pure vocation, indissociables tisseurs de liens, les mots, électrons libres d’affect, affranchis de quelconque posture imposée. Épelés, écorchés, décryptés, décortiqués, extraits de leur contexte grammatical et de leur chant lexical, ainsi s’improvisent-ils en virtuoses, farandole de voyelles à consonances en voie de disparition.

Et pendant ce temps là, les pages, vierges de mots, aussi candides que les fleurs de lys immaculées. Plus aucune narration sur le papier, juste ces territoires déserts, stériles, arides, espaces vidés de toute substance, réserves à conquérir, à défricher, à déchiffrer. Qu’allait-il bien pouvoir colporter, sinon l’étrangeté de ce silence désœuvré ? Tout à coup, face à cette folle envolée, il avait perdu l’aura de cette propension à quelconque talent supposé.

Entreposés dans ces lieux de culture bibliothécaire désormais vides de sens, encyclopédies et dictionnaires n’étaient plus que de simples coquilles vides, où livres, romans, fictions, essais, chroniques, contes, nouvelles et poésies gisaient dans ce néant de littérature abstraite. Libérés de tout carcan ostentatoire, les mots s’en étaient ailées jouer les filles de l’air, intrépides poussières d’atmosphère. Dans la débâcle du doute, les mots de la déroute.

Sous son air faussement débonnaire, un peu gauche, un peu niais, avec ses longues ailes qui crissent sur la grève des plages de brume et son sempiternel filet à papillon, il pourrait paraitre un tantinet précieux, presque ridicule, mais ce petit côté enfantin au regard moqueur, lui donnait cette fausse naïveté qui pare les âmes les plus sensibles.

Vidé de toute substance primordiale, privé de matière grise, de cette énergie compulsive et de ce terreau des affects, il n’était plus qu’un semblant de futilité. Prostré dans ses retranchements par pure frénésie compulsive, la moindre parcelle de spontanéité avait disparu de son univers onirique. Au bord du précipice il contemplait l’ampleur du gouffre béant.

Lui le sculpteur de mots, souffleur de vers, funambule du verbe, virtuose de la prose, saltimbanque de la dialectique, malencontreusement devenu jardinier sans fleurs, peintre sans barbouille, cinéaste sans péloche, menuisier aux abois ! Lui, fils spirituel de l’Autan, se devait de se rendre à cette cruelle évidence, l‘esprit du Vent restait plus que jamais aussi imprévisible qu’insaisissable. Les plus belles histoires ayant été colportées par l’inimitable souffle des courants d’air.

Pour quelques bribes de mots, la source de jouvence s’était tarie. Poète improvisé, imposteur à la gueule d’hémistiche, son allégorie se métamorphosait en leurre, comme tout à chacun, sans l’alchimie des mots, il n’était rien de plus qu’un être ordinaire. Encore fallait-il pouvoir s’en satisfaire et vouloir l’accepter. Des mots qui jetaient le trouble comme une trainée de poudre. L’apologie du doute, l’ombre des mots que l’on floute.

Prostré sur son écritoire de sous-bois, il invoquait la grâce de Terpsichore et Calliope, mais les Muses restaient sans voix, insensibles à ses lamentations de pauvre humain en panne d’inspiration, inflexibles à toute supplication. Après moultes péripéties, en ultime recours, il invoqua Socrate et sa philosophie maïeutique, dont la tache consistait à accoucher, non point les corps des femmes, mais les esprits des hommes, prêt à toute apologue divinatoire, guettant un quelconque présage du ciel.

Ses errements, ses manquements, ses atermoiements, ses tourments, ses doutes, cette importance à tutoyer le verbe, à ciseler les mots à la perfection lui jouaient ce vilain tour. A s’être approché si près de la divine lumière de l’Olympe, les Dieux dans leur clémence courroucée, le renvoyait à ses pénates de simple mortel… en panne d’inspiration. Serait-il à son tour, condamné par la vindicte populaire à s’enivrer d’une dose mortelle de cigüe ? Dans la débâcle du doute, les mots que l’on déboute.

Oh bel Alexandrin, Lové dans ton écrin

Qui s’en va et s’en vient, Fourberies de Scapin !

Catégories : Errances