SAYNÈTES DE LA SAINT MARTIN

« Le ciel s’est voilé de nouveau, mais d’une gaze toute légère; c’est comme un tissu de petits nuages pommelés, d’un gris tourterelle, qui semblent être remontés à des hauteurs excessives dans l’éther. » Pierre Loti
Mi fugue mi saison, le ciel se traîne entre éclaircies et eaux de Mars. Aux heures fugaces où les rayons falots peinent à raviver les âmes esseulées, s’étiole et s’alanguit la garrigue recouverte de flore champêtre. Mièvre période de friche et d’effeuillement. Disséminés au travers des broussailles, à nu les volées d’asphodèles amorcent leur strip-tease saisonnier. Frénésie poétique.
Mosaïque de pétales jonchant les sols embus par pleines brassées fanées. Vert-tige en bordure des chemins creux étrillés par les vents qui détalent en trombes au travers des genêts épineux. Ultime souffle de vie avant que les herbes de Saturne ne rendent grâce à la déesse mère Gaïa. En aparté, l’arrière saison concocte un pont d’or entre déclin et décadence. Écrin de douceur ébréchée.
« Dans le pré, un papillon brutal dans ses errance. Ses ailes claquent comme un livre qu’on ferme. » Christian Bobin

Un brin songeuse l’aube du jour s’annonce chaleureuse, son flambeau étincelant jusqu’aux premières buées de la vêprée. Fidèles compagnons d’infortune, cahin-caha le ménage de tourtereaux déambule nonchalamment en quête de menus vermisseaux. Une légère bruine se mêle étroitement à la promenade quotidienne. Lui, débonnaire, sans cesse de l’avant. Elle, pieusement dévouée, rituellement à l’arrière.
Pas à pas, inséparable tandem à la queue leu – leu entre cour et jardin. Placides et casaniers, gracieux entourage tout droit issu d’une carte postale. Moment de silence traversé de mielleux roucoulements. Simple et mélodieux, apaisant tel un doux murmure, depuis la nuit des temps ce chant mélancolique résonne comme l’écho d’une plainte lointaine. Aubade à quatre pattes. Aux prochaines hirondelles une nouvelle nichée viendra à point.
« Les heures sont automnales déjà, chaudes et fraîches. Il y a grâce du corps et de l’âme, de l’être et de l’esprit posés solidement au milieu du monde » Marie Rouanet

Sur le pas de porte une brochette de moineaux un tantinet intrépides. Vigoureuse petite boule de plumes, les voilà qui grappillent quelques bribes de mots d’un vieux manuscrit empli de gribouillages jaunis. L’encre délavée au chignon serré.
Légers comme un rayon de soleil ils se partagent humeurs et confidences de cet écrit anonyme. Autant de moments volés dans le bleu léger de l’air, ce qui est écrit dans l’interligne entre deux sillons d’intimité.
Impudents pioupious striés de noir. Plumage et ramage, brindilles poétiques des sous bois. Sous le regard amusé du poète les derniers jours de l’été indien filent jusqu’aux douceurs de l’autre été, celui de la Saint Martin, dénouement de l’accalmie automnale. Dans la brume du lointain le vent tiède charrie des nuées de silhouettes évanescentes.
« Le moineau a dit : – Je m’ennuie
Trois flocons lui font compagnie. »
Louisa Paulin