EFFUSIONS AUTOMNALES

Publié par Vent d'Autan le

« Automne. Le postscriptum du soleil. » Pierre Veron

Par delà les soubresauts de l’équinoxe, l’été, bien peu enclin à passer le flambeau, bénéficiait d’un soudain regain de jouvence. Souffle salvateur repoussant aux calendes grecques les pâmoisons de l’automne. Déjouant toutes prédictions, l’été indien si prompt à se goinfrer de superbes, décochait une à une ses flèches de feu sacré, embrasant le génie des peintres anonymes.  

Au sortir des brumes matinales accrochées à l’encoignure des paysages, dans la fraîcheur des petits matins épars, l’alternance des saisons pénétrant l’univers mystérieux à la pointe du jour. Mi ombre, mi soleil, le trop et le peu qui gâtent le jeu. Mi fugue mi raison, ballet des saisons.

Au sortir de ces interminables épisodes caniculaires, dans une quête effrénée d’harmonie, à la lisière des bois et des forêts, ainsi qu’aux portes du plus petit des hameaux, la faune et la flore s’épanouissent de toutes parts. Entre quiétude et repos de l’âme, l’authenticité des terroirs suspendue au renouveau de ce second printemps, prétexte d’arrière saison. Tout frissonne, tout palpite au bras des flux énergétiques.

Gorgés de soleil, bouffis de canicule, les grappes renferment en leurs grains ces promesses d‘ivresse collective, fruit de prochaines bacchanales foulées au pied de l’exaltation. À la veillés de nuitées clandestines, prévoir une petite laine, les fins de journée peuvent y être fraîches quand bien même la danse du soleil ait affolé les températures ambiantes.  C’est au ban des vendanges que la parole devient vivante, vibrante des sonorités de tradition orale. Poésie mi figue mi raisin.

Contrastant avec les terres meurtries par la sécheresse, quelques touches de verdure émanent en ces paysages sauvages, balayés le vent, à mi chemin entre extrême dénuement et foisonnement d’espérance, retour de la vie. Aux prémisses d’automne, les premières feuilles jonchent déjà le sol, tandis que les bogues de marronniers et de châtaigniers livrent leurs entrailles à même le sol, signes avant coureur avant le grand sommeil hivernal. Emplie de cette audace qui bouscule l’entendement, tout aussi vigoureuse qu’imprévisible une nouvelle floraison parsème ses petits motifs floraux. Transe tardive d’une végétation à bout de souffle.

Moissonnés de frais, à flanc de vallons les champs attendent avec grande  impatience  le temps des labours. Ici quelques tournesols intrépides s’aventurent à travers la nudité des campagnes tandis que les plus vertueux baissent casaque, grillés par l’intensité des grosses chaleurs. Là bas, au pourtour des chemins tortueux, parmi les grandes allées rectilignes de quenouilles de maïs, le vent s’infiltre en un bruissement confus. Échos de ça et de là de la complainte d’un poème épique au plus fort de sa symphonie.

Et si tout ceci n’était qu’un leurre, simple mascarade de cette période où la lumière décline dans le labyrinthe de milliers de toiles d’araignées, capteurs de rêves au fil de nos âmes d’enfant. Rassemblés en une seule et même lignée de migrateurs des grands espaces, les oiseaux de passage guettent l’instant propice. Depuis la nuit des temps, inspirés par les traditions ancestrales ils misent sur le talent de leurs ainés à perpétuer cette aventure collective, quitte à bousculer l’éphéméride des saisons. Il est temps de prendre son envol…

Catégories : Saisonnalités