FACE À L’ÉCHO DE CE SILENCE

Publié par Vent d'Autan le

« Il n’y a rien dans le silence là autour. Plus rien: ni la terre, ni les arbres, ni les herbes, plus rien. C’est un silence de plein ciel, dans l’abandon du ciel », Jean Giono.

C’est en contemplant l’insouciance du ciel qu’il fit vœu de retour à la simplicité de la vie, en égard à ces délices d’enfance bercés dans le silence de la campagne. Il ne possédait plus que quatre brebis malingres ainsi que ce minuscule lopin de terre en retrait  des tracas de la vie.  Lieu tombé en friches, propre à faire rêver entre ronces, orties et herbes folles frisotant sous la complainte du vent.

Peu à peu, il avait appris à se défaire du trop et du superflu qui l’encombrait  dans cette grande confusion de profusion. Après toutes ces années à accumuler tant et tant de choses crues essentielles, non sans mal il était parvenu à se délester de cet encombrement qui paralysait tout instinct de vie. Juste l’essentiel comme nouvelle philosophie. Tout comme ses aïeux bien avant lui. Audacieux précepte de vie rehaussée d’une inébranlable foi.

S’affranchir et vivre à distance de la société de consommation n’était point une simple gageure. Bien plus un défi personnel qu’une simple lubie d’écolo des temps modernes. Mais avant d’en arriver là, comme tout à chacun il avait du traverser son propre lot de mirages dans lesquels se fondent tant âmes en perdition. Entre croyances et déceptions, pris entre les manigances de débauches aux multiples excès.  

Instantanément la vie au grand air lui procurait cette sage sensation de bien être et de satiété, bien loin de ces offres mercantiles scandées à longueur de journée en guise de bonheur déguisé. Depuis son retrait de chacune des contraintes consuméristes qui fragilisent les vies, il avait enfin retrouvé ce qu‘il pensait avoir à  jamais perdu, sa propre liberté intérieure, fruit de son libre arbitre, si chère à ses valeurs ancestrales. Coupé de ce monde, au plus près des bienfaits des quatre éléments que la terre lui procurait sans retour. Nouvelle source de jouvence en cette thébaïde où mener cette vie retirée.

Aussi loin qu’il sen souvienne, revenait à sa mémoire décousue ces temps anciens en ces lieux blottis à l’autre bout de ce petit coin qui ressemblait tant au paradis. Ce petit hameau entre vallons et verdoyantes vallées, enfoui quelque part au pied de la ligne bleue de ces montagnes érodées par l’emprise des temps. Havre de quiétude où il prenait plaisir à s’y retrouver entouré de la bienveillance de cet homme aux yeux clairs. Ce taiseux des campagnes qui parlait si peu, qui ne parlait pas du tout. À croire que les mots s’étaient tus dans sa bouche. Parfois, l’instant d’une fulgurance leurs regards fugitifs se croisaient comme pour partager les mêmes pensées semblant sorties des profondeurs irréelles du ciel.

Silencieux au grand cœur qui chaque jour lui faisait découvrir et savourer la simplicité et la beauté de l’existence en cette contrée dépouillée de tout. Ce que semblait croire tant d’autres incrédules en mal d’aventure, espérant trouver bien mieux ailleurs, en ces villes de grande solitude. Lui aussi, à son tour un jour s’en était allé à la poursuite de sa propre destinée vers l’autre bord des étendues sauvages où foisonnent cornes d’abondance et misères humaines. Puis, harassé par cette errance effrénée, après avoir lâché prise il s’en était retourné à ses propres racines, décoction d’humus et de terre. Jour après jour, ancré dans la mémoire des pierres au plus prêt de cette simplicité d’être.

Au chant du coq, l’aube déliait chacune de ses arabesques, jouant le prélude de lendemain qui chante. Dans la fraîcheur du petit matin, il contemplait la fluidité des lignes de l’horizon parsemé de brumes éparses. Le ciel comme seul rivage. Et puis ce silence bordé de mots que l’on ne prononçait plus, de ces secrets répétés dans cet espace sans écho.  

Seul face à ce chemin de l’exil emprunté à marée basse. Poussé par le vent, à la dérive des courants de la destinée. Intense communion des plus modestes des hommes avec le grand mystère de l’univers. Parenthèse de silences.