ET L’INNOMMABLE FUT

Publié par Vent d'Autan le

« Quelque chose alors se défait, se délie de ce qui était la clôture du monde et nous enfermait dans l’éternité de son malheur » Maurice Bellet

Avons-nous vraiment besoin de tant de noirceur propagée au cœur de nos frêles existences, tandis que l’inexorable effusion du lugubre, poisseux et ténébreux oiseau de mauvais présage, n’en finit plus d’inonder la routine de nos quotidiens paralysés par ce mutisme ambiant ?

Au profil de tant de désillusions de plus en plus oppressantes, voir quasi désobligeantes, si à chaque jour suffit sa peine, dans le lointain de la pénombre, les moindres  illusions capables d’incendier détresse et désolation fondent comme neige au soleil.

Sans aucune pitié, la traversée se fait sibylline, emprunte d’inévitable repli sur soi. Le bout du tunnel n’étant pour l’instant qu’un sirupeux miroir aux alouettes s’agitant en trompe l’œil dans les décors d’un horizon détourné. Sous couvert d’un chapelet d’injonctions, pleuvent des hallebardes de contraintes imposées, postures obligées, contrariétés de premier ordre et autres empêchements de… Ils parlent comme des anges et pensent comme des assassins.

Vie superficielle et évaporée, sans plus aucun repère, dispersée en territoire hostile et inconnu, vrillée par les marqueurs d’un implacable plaidoyer pour l’abstinence totale, meurtre prémédité de la parole et de l’envie. Dans les décombres du chaos, les immondices de prétentions doctrinaires, entre ordre impensable et obscure lumière.

In fine, qu’est devenue cette insatiable pulsion de vie qui jadis faisait battre à l’unisson l’harmonieux tempo  de l’Univers ? Viendra-t-elle contrarier cette effroyable pulsion morbide dont on ne cesse de nous rabattre les oreilles à longueur de journée? Il y aura-t-il d’autres lendemains qui chantent pour nous extraire du puits de ces abimes ?

Toute cette subversion annihilatrice d’originalité, qui par de beaux discours et d’interminables mensonges plombe et surplombe tout optimisme latent et qui sans vergogne réfrène toute faculté à aller de l’avant, à se remettre en route, à prendre son propre destin entre les mains, simple artisan de sa vie, artiste de ses envies. Métamorphose de ce désir qui nous chevauche, nous étreint et nous exalte loin de ces eaux marécageuses.

Comme si au bout de compte, nous avions perdu toute faculté de choix de notre libre arbitre, condamnés à subir, à jamais privés de parole et d’action. Soumis et subis, marionnettes du sacrifice originel, crétins dénués de pensée. Où est donc l’issue de cette incapacité à vivre ?

En ces bas fonds, la création se fait tentation. Ouvrir en grand les fenêtres, regarder le ciel, renifler le vent, savourer les embruns, embrasser les paysages, ramasser quelques fleurs sauvages à l’éclosion du printemps comme si on cueillait cette vie confisquée, cheminer par delà les chemins de traverse, au gré de l’aventure, avides de liberté.

Tutoyer les hauteurs jusqu’à ce point culminant par-dessus la brume, inoxydable panorama loin des marchands de bonheur. Rêver à perdre haleine, s’enivrer d’autre chose, jouir sans entrave, jubiler d’exaltation, d’incarnation, de hauteur, d’infinie grandeur, de foi, d’espérance.

A telle altitude, marqueur de nouveau territoire, la sensation de liberté y est bien plus grisante que dans les torpeurs de cet effroi. Ce qui compte avant tout c’est la vie insouciante et limpide et cet inimitable goût si suave et si frisant qui donne cette impression de flotter par dessus l’éther. VIVANT!!!!!!

« Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants » Arthur Rimbaud