VILLÉGIATURE D’ÉTÉ

Publié par Vent d'Autan le

« Lumière profuse ; splendeur. L’été s’impose et contraint toute âme au bonheur. » André Gide

Nonchalante, la foule bigarrée déambule tout au long de la grand’ rue de la plage rendue aux piétons ainsi qu’aux animaux à quatre pattes ayant échappé par Dieu sait quel miracle aux abandons saisonniers en bordure d’autoroutes. Cinquante millions d’amis… Sous l’ardeur estivale de l’Éden Aquitain, curieux et badauds y flânent sans relâche en provision de breloques, de souvenirs et d’éventuels coups de cœur. 

Éblouies par la profusion de vitrines aux noms enjôleurs ces dames s’engouffrent dans les boutiques de prêt à porter où l’on hésite plus à jouer le grand jeu. Tapis rouge. Robes légères, couleurs chatoyantes, unis ou imprimés, choix des reines d’un été. De quoi encombrer un peu plus les penderies bourrées de naphtaline. De l’avoir plein les armoires. Vieille ritournelle commerciale.

Shopping à gogo, les yeux bien plus gros que le portefeuille, tandis sur les devants de porte patientent ces messieurs, impassibles figurines d’un jeu de Mah-jong. Bras croisés, le regard dissimulé à l’arrière de lunettes noires, parfois animés de brefs mouvements de tête ou de changement de pied. Nul besoin d’un œil averti pour les repérer au cœur de l’essaim des estivants en goguette. 

Tout en contrebas, à l’autre bout de la petite station balnéaire où en arrière plan trône la basilique désensablée de la fin des Terres, la place du marché à l’approche de l’heure du déjeuner. Ici bat le pouls du vieux village d’une ferveur populaire, l’effervescence à son apogée. Comme un incontournable rendez-vous saisonnier où chacun se plaît à savourer l’air du temps.

 Sous la halle couverte, véritable institution de style néocolonial, à profusion cette multitude de produits du territoire local. D’un côté les étalages de fruits légumes côtoient les stands de charcutiers et de fromagers, sans oublier le florilège de dives bouteilles des grands crus du Médocs, breuvages thérapeutiques. Juste à côté, poissons et crustacés de la pêche locale rivalisent de fraîcheur et d’abondance. Sur quelques étals, à portée de main, la grande marée. Palette de gourmandises pour assiettes de plaisir. 

Aux alentours de l’heure fatidique où se regroupent les aficionados de l’apéro, les tous premiers fumets de gambas grillées à la plancha s’empressent d’allécher les papilles déjà sollicitées par le bouquet de volailles rôties à la broche. Dans cet étrange ballet de saveurs viennent s’entremêler les douceurs de la marchande de friandises. Chouchous, pommes d’amour, nougats, berlingots et autres délices de l’enfance.  À chaque coin de rue becs salés et becs sucrés. 

À la croisée des rues piétonnes, entre la boulangerie artisanale et le bouquiniste aux mille et un trésors littéraires, grimé en son costume d’argile verte, l’homme statue prend la pause pour quelques piécettes de monnaie. Impassible, les traits figés, aucun geste ne trahit sa posture. Passent les minutes, interminables, inépuisables. Recroquevillé en cet instant suspendu l’homme à la précision d’automate semble de marbre. De manière abstraite, par le biais de semblants donnant l’impression de feindre  l’indifférence il redonne âme à la poésie venue goûter l’instant frivole au libre cours de sa propre créativité.

Stupeur et stupéfaction des passants interloqués par la performance artistique. Certains filent sans trop s’y attarder tandis que d’autres marquent un temps d’arrêt, curieux de la prestation de rue, dans l’attente d’un éventuel battement de cil ou toute autre émotion suspecte, trahison de cet immobilisme latent.

Plus curieux, ou bien plus audacieux que tant d’ autres, un petit bout d’homme en culottes courtes s’approche sans trop se méfier. À l’instant où il dispose une pièce jaune, l’instant d’un éclair, mû par on ne sait quel ressort de diablotin, le pantin se met en mouvement avant de s’immobiliser à nouveau. Surpris, le môme à la frimousse d’ange pousse un cri aussi perçant que celui des mouettes au grand large avant de se réfugier dans les jupes de maman pour un peu de réconfort.

Midi sonne les douze coups, la foule reprend son sempiternel va et vient sous le mordant de l’astre au zénith. Insouciance, nonchalance, indolence, vacances. Carpe Diem.

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