MORNE LÉTHARGIE

« L’hiver, vieillard au dur sommeil. » Victor Hugo

Sous l’insistance malingre des meurtrissures de l’hiver,

Peu à peu le jardin des délices s’est assoupi

Pour s’endormir le temps de la trêve saisonnière.

En toile de fond, un vaste paysage monochrome

Enrobé d’une bure de brume diaphane.

                          

À la première migration les gazouillis se sont envolés

Puis l’écureuil intrépide s’est emmitouflé sans prévenir.

La nature ayant toujours eu horreur du vide, 

Le silence s’est invité par ici en toute simplicité

Un temps suspendu au rythme des soupirs.

                                               

Parfois, au travers d’une infime fêlure

Béante à travers l’épaisse grisaille,

Une nuée d’insolites brindilles de soleil

S’invite dans ce vaste monde assoupi

Figé et transis par l’effroi polaire.

                                  

Encore ébouriffés sous une pellicule de givre

Quelques frêles bourgeons emplis d’audace

Se sentant pousser miraculeusement des ailes

Tentent de braver les frimas de l’aube

Pour une brève incursion printanière.

                          

Au crépuscule La lueur du jour s’étiole

L’appel brumal déploie son voile.

Sous l’éclat du clair de lune

Le jardin des délices en léthargie

Se drape alors de sa belle parure glacée.