LES DOIGTS ENCORE PLEINS D’ENCRE
«À la petite école d’hier que j’ai fréquentée, je n’ai rien appris, mais je le savais par cœur. » Albert Brie
Genoux écorchés, cheveux ébouriffés, en plein cœur de la cour de récré, jeux de billes et d’osselets enthousiasmaient le tempo des écoliers en culottes courtes. Dernier jour de classe avant le sésame inespéré de la longue trêve de suspension en plein cœur de l’été. C’est les vacances, à bas les pénitences, les cahiers au feu, les maîtres au milieu !
L’excitation à son comble, les loupiots à la mèche rebelle trépignant d’impatience. Fini les interminables corvées à effacer ardoises et tableau noir, à épousseter la brosse en feutre, à aligner les craies, à emplir les encriers sans jamais déborder et à recharger le vieux poêle asthmatique. Finis récitations ânonnées, fastidieuses tables de multiplication et calcul mental, ainsi qu’autres leçons de morale. Bannis bons points, punitions et bonnet d’âne !
Sur cet espace clos, s’ébrouait un vent nouveau de liberté. Comme une délivrance juste après l’effort d’un temps accompli aux devoirs. L’année scolaire qui touchait à sa fin. On se quittait le cœur gros, même si aucun n’osait l’afficher. Pudeur de garçons obligée.
Au tout premier tintement de cloche, l’envol d’une nuée de moineaux, laissant place vide à ce royaume de courants d’air. Et l’école communale qui se dissipait buissonnière. Le cartable léger, la mine confite, chacun regagnait ses pénates en traînant ses godasses. Fins prêts pour cette longue période estivale, des rêves plein la tête.
Sans plus se soucier de la contrainte du temps le chemin du retour musardait en longueur. Cerisiers et autres arbres fruitiers ne résistant point au féroce appétit des gloutons morveux égrappant ça et là les fruits des délices, au grand dam des jardinets clos qui subissaient sans médire la gloutonnerie des zozos de passage. Chaparderie bon enfant, marauderie de passants.
Chaque particule, chaque molécule, si infime soit-elle, s’imprégnait de cette fragrance des vents étésiens. Le fond de l’air embaumé, marqué du charme et du piquant des délices de ce bouquet d’effluves. L’air du grand large jusqu’au bord de l’horizon. Un zeste d’insouciance, doux parfum de l’enfance.
