MEGALO-PÔLE

A travers  le silence assourdissant de la nuit

L’imperceptible bruissement d’un essaim d’abeilles.

A la pointe de l’aurore qui peine à poindre

Des nuées colonisées de butineuses à pied d’œuvre.

Il est cinq heures, la ruche s’éveille !

De toutes parts, dans un tohu-bohu dionysiaque,

Epaisse, dense et compacte,

 Une intense multitude

D’infatigables ouvrières laborieuses,

Affluant, confluant en flots ininterrompus,

Convergent et déferlent d’horizons divers et multiples,

En proie à cette fièvre de liesse collective.

Attroupées, agglutinées, agglomérées,

Les vagues se suivent puis se succèdent,

Catapultées dans l’orbite abyssale.

Compressées, comprimées, compactées,

Échouées dans l’ivresse de la Métropole.

Inexorable marée qui monte à l’assaut.

Dans la nuit finissante de la ville engourdie,

La cité, boulimique,

Pieuvre tentaculaire des masses laborieuses,

Engloutit sa ration du matin

Dans l’effervescence crue

De son gigantisme contemporain.

Comme une étrange messe de Carême,

Invraisemblable rituel païen

Ressassé à chaque pèlerinage du quotidien.

Pléthore de multitudes.

Agglutinées cul à cul  en files indiennes

Sur de sombres rubans d’asphalte poisseux,

D’interminables processions, sans fin et sans gloire,

De scarabées aux yeux d’or,

Extirpés de leur torpeur nocturne,

Se déversent en masses vers la grand Babylone.

Le cortège est en place.

Il est immense.

Il s’avance vers la Nébuleuse aux reflets d’argent.

Des myriades d’étoiles scintillent dans la nuit.

Vertiges du chaos.

Temple universel du gigantisme

Mégapole de lumière de tous les extrêmes

Agglomération débridée de déboires et d’excès

Où chimères, dragons et licornes

Se télescopent dans les facettes à paillettes

De tant de désillusions dérobées.

La cité névralgique repousse

Ses tentacules de plus en plus loin.

Sirupeux miroir aux alouettes,

Le pouvoir d’attraction de la tour de Babel

Absorbe et engloutit les populations,

Siphonne en masse et vide de son sens

Territoires oubliés et pays de cocagne,

Écorchant au passage tous rêves d’évasion.

Sous l’envers de ce décor de pacotille

Le flux ne cesse d’émerger inexorablement,

 Jusqu’à l’outrance, jusqu’à l’extase.

De l’exaspération à l’absurdité du monde.

Univers étincelant qui défigure les passions.

La Mégalopole contemporaine ingurgite le mouvement.

La meute s’y dilue dans l’abondance.

Flopées de solitudes entassées en cohue du quotidien.

Légions de cohortes dans la traversée.

Funambules précaires sur le fil du déséquilibre.

Nuées de vies ordinaires mêlées de multitudes

Entremêlées de singulier pluriel.

Dramaturge d’un théâtre de marionnettes.

 Tailler la route, au loin.

Vite, mettre les voiles !

La fuite en avant, fuite ultime.

Denier recours comme échappatoire improvisée

Et si nous ne faisions que fuir….