JE ME SOUVIENS

De par les fougères et autres frondaisons il peut arriver que l’on s’égare en des endroits demeurés si longtemps dissimulés. Je me souviens.

Sous le raffinement de cette élégance  proche de l’épure, l’atmosphère si particulière d’écorchures dans le piétinement de vertiges désenchantés. Fiévreuses déchirures émaillées de sonorités poétiques alternant noirceur et tendresse, drapées de l’extase de cette mélodie, imprégnée des tourments de l’amour, de la nuit, de la vie. Amertume de tous les instants.

Baignés d’une envoutante fraîcheur, paroles ferventes et musiques envoûtantes qui vous font succomber au charme de ce paysage musical bariolé de la nitescence des aurores boréales. Autant d’arabesques brodées, splendeurs discrètes, presque fragiles, nichées dans le détail des ces petites choses qui composent le fragile équilibre des grands soupirs par temps maussade.

Entre incertitudes et tâtonnements, l’univers dantesque de Jean Louis Murat, parsemé de  cette constellation de pépites éperdues dans l’obscurité buissonnière des cieux. N’ayant pas renoncé à ses rêves de solitude, son cheminement tortueux l’aura mené vers une certaine forme de libération. Comme un carnet de voyage capable de dépeindre chacune des émotions grappillées au cours de ces longues années d’errance. Un long chemin à travers les grands espaces aux horizons lointains, entre les crêtes des montagnes plissées.

Dans ce dédale nocturne, tous les mots brisés d’émotion en sont comme la trace brûlante. Toutes les cordes des paroles engourdies se mettent à frémir d’un seul chœur, d’une seule et même mélopée. Palpitations de l’âme où se côtoie, se percute, s’affronte le lamento du poète, révélant aux pèlerins qui filent vers l’inconnu, tenants et aboutissants de la nuit décisive. Comme un dernier rappel dans la liturgie du spleen baudelairien.

Je me souviens. Comment pourrait-on oublier ?