Claire Barré

L’appréhension que nous avons des mots change avec le temps. Ils ne sont, à la base, que des coquilles vides qui s’emplissent, peu à peu, au fil de notre expérience.
Le mot « mort  » ne prend sens que le jour où elle frappe nos proches et que nous caressons la main glacée de l’enveloppe charnelle vidée de ce qui fut sa quintessence ; le mot « amour » ne révèle sa saveur qu’au moment où notre cœur échappe à notre contrôle pour la première fois.
Avant de les avoir éprouvés, les mots restent théoriques, flottant dans le monde éthéré des Idées. Ils ne s’inscrivent en nous qu’une fois que nous les avons côtoyés. Une fois qu’ils nous ont fait souffrir ou qu’ils ont pris la peine de nous exalter. Alors, seulement, nous découvrons leur profondeur, leur tangibilité.
Plus nous approchons un mot, plus nous l’expérimentons, plus il se dévoile. Gagne en substance. En complexité.
Devient un diamant à multiples facettes.
Les mots sont des énigmes à explorer. Ils mettent du temps à nous révéler leur sens secret, sacré. Nous devons nous frotter à eux, les ressentir dans notre chair pour goûter, peu à peu, toutes les strates de leur mystère.
Au commencement était le verbe. Mais ce verbe- s’il demeure à l’état d’idée- reste dissimulé derrière le grand voile d’Isis.
Le verbe doit s’incarner en nous pour prendre sens.