Boris Cyrulnik

On parle pour tisser un lien, on écrit pour donner forme à un monde incertain, pour sortir de la brume en éclairant un coin de notre monde mental. Quand un mot parlé est une interaction réelle, un mot écrit modifie l’imaginaire.
La création d’un monde de mots permet d’échapper à l’horreur du réel en éprouvant au fond de soi le plaisir provoqué par une poésie, une fable, une belle idée, une chanson qui métamorphose la réalité et la rend supportable.
Le mot écrit n’est pas une traduction du monde oral. C’est une création puisque le mot choisi pour nommer la chose est une découpe du réel qui lui donne un destin. « J’écris pour me venger » ou « J’écris pour donner sens au fracas » oriente l’âme vers une lumière au bout du tunnel. Le mot qui vient à l’esprit pour désigner la chose imprègne l’évènement d’une signification qui vient de notre histoire.