André Comte-Sponville

Pourquoi s’écrire quand on peut se parler, quand on se parle effectivement ? Parce qu’on ne peut pas parler toujours, ni de tout, parce que la parole peut faire obstacle à la communication, parfois, ou la vouer au bavardage, parce qu’il faut prendre le temps d’être seul, d’être vrai, parce qu’il est doux de penser à l’autre en son absence, dût-on le voir le lendemain, de lui dire la place qu’il occupe dans notre vie, dans notre cœur, dans notre solitude, et c’est ce que la parole ne saura jamais faire, puisqu’elle l’abolit. …. Dans une lettre, au contraire, on n’atteint autrui qu’en restant au plus près de soi. Mais on l’atteint, du moins cela arrive, et à une profondeur où les paroles n’accèdent que rarement. L’écriture est plus proche du silence, plus proche de la solitude, plus proche de la vérité.

L’écriture est un luxe, l’écriture est un bonheur, l’écriture est une liberté.

Partir, c’est mourir un peu. Écrire, c’est vivre davantage.

La littérature n’a jamais sauvé personne. Les grands écrivains le savent, et c’est ce qui les sauve.