DERNIER RAPPEL

“Je n’ai pas d’identité, je me sens une identité que lorsque je suis sur scène. Voilà. C’est tout ce qui me reste, la scène et le public. C’est curieux, ça n’est pas paradoxal chez moi, mais je me sens bien que sur scène. Quand je chante et que je quitte la scène c’est fini. Au revoir. Terminé.”

Certains artistes animés de cette foi inébranlable marquent les esprits d’une indéniable touche de poésie propice à la ferveur populaire. Affublé de tous les qualificatifs à consonance révolutionnaire, Catherine Ribeiro, grande prêtresse de la chanson française, avait cette ferveur chevillée au corps qu’elle exprimait au travers de sa voix si singulière. 

Belle, rebelle et sauvage, dans le sillage d’une Colette Magny à la tessiture engagée, elle trace sa propre voie à travers les chemins de traverse à l’écart des projecteurs, tout en s’affranchissant de la tourmente Yéyé d’une époque débridée. Salut les copains!

” La beauté insoumise de Catherine et sa colère cheminée à l’âme incommodent le show- business” 

Adoubée par Léo Ferré en personne, elle restera à jamais l’oriflamme de cette éternelle révolte, animée d’une énergie contagieuse à emporter les foules dans le sillage de son sacré. Son public averti et conquis restera à jamais celui de ses plus fidèles admirateurs.

Avec son groupe de musiciens Alpes, sans doute ainsi nommé en hommage au temps de son enfance où du bout du doigt elle soulignait les contours des massifs environnants, elle prend un virage des plus ascensionnel. Neuf pépites d’anthologie, si je ne m’abuse, qui témoignent de son incommensurable talent trop souvent passé sous silence. Parfois le silence n’est que l’apanage de l’absolu.

Écouter Catherine Ribeiro, c’est comme entrer en religion. Frappé par la grâce, impossible de résister à l’appel de cette force vive qui transcende les plus incrédules. Au son de musiques expérimentales prédisposées à d’étranges bacchanales, elle et ses comparses en appellent à la colère, à l’insurrection, à la liberté, à l’amour, à la poésie, à la vie. Pour que les jeunes générations s’approprient ce patrimoine culturel, il est urgent de lui rendre la place qui est sienne.

Inclassable, irréductible, incorruptible, elle a chanté la passion, l’amour, la révolte. Elle est restée libre, jusqu’à son dernier souffle. Un jour ou l’autre les plus belles fleurs finissent par se faner pour que d’autres surgissent au renouveau. Ainsi va la vie si éphémère soit elle. Que nous reste t’il sinon les souvenirs d’un temps défait et cette voix si chaleureuse gravée à jamais au creux des microsillons.

Du haut de ses hauteurs inexpugnables, les sommets des Alpes entonnent le refrain de ses louanges. Une nouvelle étoile vient à s’ajouter à la grande constellation d’autres artistes disparus dans les limbes. Catherine Sauvage, Barbara, Colette Magny, Anne Sylvestre. Le Ciel est aux anges.