CANICULA, ÉTOILE CHIEN
Si la canicule n’a aucun rapport avec les canidés, ce mot vient du latin Canicula, petite chienne. Canicula, autre nom que les astronomes donnaient à Sirius, étoile la plus brillante de la constellation du Grand Chien. Pour les Grecs, le temps le plus chaud de l’année commençait au lever de Sirius, l’étoile chien qui, au solstice d’été, poursuit la course du soleil .
Régulateur de nos humeurs terre à terre, le titanesque plafond de verre contient cette couleur si particulière d’un vieux jean délavé usé jusqu’à la corde. Sous les vagues de chaleurs précédentes, peu à peu le bleu originel s’est estompé ton sur ton, jusqu’à l’apparition de cette substance blanchâtre et ramollie, caractéristique d’un badigeon de lait de chaux « à fresco »
La couverture de longs amas filandreux, travestit le fond de l’air, obscurci par endroits de plis de flétrissures. Légers frottements semblables à de longues traînées de sueur, de poussières et de larmes. Ecchymoses de condensations électriques. Agglomérats compacts d’aspect, de forme et de densité variable, chargés d’éclairs dissonants dont la résonance si particulière annonce en coups de vents le prochain accostage de l’orage menaçant.
Une saison bouleversée, comme une parenthèse au bord du gouffre, avalée dans l’immense cavité en proie à cette descente vertigineuse. En apnée face à la grandeur des lieux. Quête d’une inépuisable durée encore indéterminée et continue. Des jours entiers qui se suivent et se poursuivent sans demi mesure en ce flot persistant, au point de se ressembler jusqu’à perdre toute notion de temporalité salutaire. Perpétuelle concession d’un insoluble embarras.
L’astre solaire, en surchauffe pondérale, plombe la pesanteur d’une atmosphère à la fois poisse et visqueuse, devenue bien trop lourde pour ouvrir en grand les fenêtres. Que ce soit en Celsius ou Fahrenheit, le mercure affole les degrés au point de faire vaciller chaque record le plus absolu, gravé un temps dans le marbre des tablettes antiques. De jour comme de nuit, les vagues de chaleur, lourdes et torrides, inondent les moindres recoins préservés du rayonnement monochromatique, transformant les oasis de verdure en désert de sable. Étouffoir en plein cœur de la fournaise.
Au faîte de l’immensité des cieux surchauffés à blanc, passent en trombes les nuées harmonieuses de combinaisons compactes et allongées, promesses de pluies fertiles soumises aux caprices d’une météo déglinguo. La dernière ondée souveraine n’étant plus qu’un lointain souvenir tari à la source. Et malgré les chants incantatoires des peuples premiers, Aborigènes et Amérindiens, l’or bleu, source de vie, fontaine de jouvence, reste cadenassé, prostré à double tour.
Sous les cruelles morsures du globe rougi, le vert chlorophylle, sève végétale, se paupérise comme misère au soleil, les grandes prairies à l’humidité verdoyante transformées en vaste étendues arides, calcinées sous l’exposition prolongée du rayonnement cosmique. Rétractée sous l’effet du dessèchement, la terre racornie se ratatine en ses meurtrissures, escarres béantes en ses chairs.
Épuisés de stress hydrique, les feuillages jadis pérennes dépérissent à vue d’œil, tandis que les oiseaux de passage se dépouillent de leur précieux plumage, ramage d’été décharné. « La terre fume, les herbes se recroquevillent, mais nous ne sentons même pas les rayons qui nous cuisent » Serstevens
Aux quatre coins de notre vieille Terre, Mère de tous les sacrifices, les brasiers de cette fièvre ardente crachent le feu céleste qui brûle les damnés et châtie les pêcheurs. L’été de tous les dangers. Malédiction divine, présage des temps, funeste prédiction de mauvais augure. Le monde, à l’agonie. La Terre, faste Paradis où jour après jour, l’homme face à l’hubris de sa propre démesure bâtit inlassablement son propre Enfer. Illusions dérisoires, dérisions illusoires.
L’Amazonie, poumon de la planète, en proie aux intérêts les plus funestes. L’Arctique qui fond comme neige au soleil, tandis que l’Antarctique, dernier eldorado polaire subit de plein fouet les pires dérèglements climatiques. Sur le vieux continent, les derniers glaciers millénaires s’effondrent en spectaculaires avalanches. Sous l’écume des jours, Mare Nostrum réchauffée de cinq degrés supplémentaires, synonyme d’emballement thermique, faune et flore au crépuscule des moribonds.
Avide d’impitoyables conquêtes, le mammifère Sapiens, prédateur de tous les temps, dans sa cupidité malveillante déploie trésors d’imagination et d’ingéniosité à traquer la plus infime trace de vie au travers de la nébuleuse galactique. Obnubilé par cette quête sans fin, il en oublie la tragédie de sa propre condition humaine. Précurseur de la sixième extinction des espèces, il ne cesse de scruter le monde par le petit bout de sa lorgnette. Aveugle et sourd aux trépas de son épopée apocalyptique.
Les quatre éléments de la Vie.
Ainsi soit-il…