FRÉMISSEMENTS

« Pendant vingt-cinq jours du mois, les camélias étaient blancs, et pendant cinq ils étaient rouges. » Alexandre Dumas

Encore engourdi de sommeil, visage froissé par les plis des draps, je m’éveille comme tant d’autres se couchent. À travers les fentes disjointes des persiennes s’infiltrent les tous premiers rais de lumière, feu d’artifice à la tête des cieux. Ce matin le jour s’est hissé de si bonne heure, avec trois petites minutes d’avance. C’est le printemps qui sourde avec cette impassible besoin de déposer les mots cueillis dans la pesanteur de la nuit. Seule la volée de moineaux semble l’entendre roder. Chevaliers courtois de l’ébauche de l’aube, leur pépiement piquette l’étendue du silence.

À l’arrière de la fenêtre le calme semble si irréel, comme enchâssé dans la toile du maître des pastels, presque une évidence pour peu s’y soumettre l’instant d’un repli, d’un battement d’ailes suspendu entre les songes. De l’autre côté, le brouhaha de la vie, indescriptible déploiement de sons incongrus, étouffés.

Aussi gracile qu’impromptu, sous ses pétales immaculés, l’insouciance de ce trésor qui hier encore n’était que frêle bourgeon. Miracle de la vie. Miracle du renouveau, de la candeur de cet arbuste soustrait à son funeste sort de compagnon des champs du repos éternel. Loin de quelque odeur de sainteté, à croire que par dessus tout le spectre de la faucheuse déteste l’insouciance champêtre, chacun pétri de ces frémissements ciselés bouche ouverte.

Sous la stèle de granit du Sidobre sommeille la dame au camélia. Ailleurs son âme vagabonde. Presque un nouveau voyage qui commence. Demain, un autre jour, promesse d’hier. Puis le silence se tait, toujours à voix basse. Divine comédie.