ÉPILOGUE

Les pointillés……. jusqu’à l’infini, sans mot, sans histoire, sans fin.

Le suspense avait tenu ses alléchantes promesses jusqu’au bout du récit. La dernière page de ce roman éponyme finissait là, en queue de poisson, avec cette pointe d’amertume qui laisse cet arrière goût de sensation d’une symphonie inachevée, dont on ne connait que les premières mesures. La suite, erratique illusion, restait à inventer, fin de l’histoire, en pointillés…

A chacun son dénouement, au gré de son propre imaginaire, en proie à sa liberté de vagabonder. Au fil des pages, la chevauchée des mots qui tourbillonnent, irrésistibles et désordonnés, en dispersant du rythme à chaque recoin, tout en prononçant ce flux de sonorités magiques.

L’échappée de mots, à embellir une histoire voulue sans dénouement et sans fin, de quoi rester sur sa faim, cette appétence qui justifie l’intensité des besoins. Besoin d’écrire, besoin d’inventer, besoin de gamberger, besoin de se raconter de vraies histoires d’humanité et de faux semblants de connivence. A chacun son style erratique et capricieux, bousculé par le ressac du grand large.

Avec l’aisance d’une folle désinvolture, les pointillés s’étiraient sans limite, opposés à toute  restriction, point à la ligne. Oser, supposer, prétexter, lâcher prise avec l’emprise des mots, sortir du cadre de l’ordinaire pour se défaire de la dialectique : sujet, verbe, complément. Traverser le miroir des eaux dormantes, jouer les apprentis explorateurs, forcer le trait, s’affranchir des préludes et des préambules.

Des mots, rien que des mots, à contre sens, qui vous bousculent à la renverse hors des sentiers battus. Des mots sans anicroche, libre de sens, sans interdit, sans contrainte, sans étreinte, juste pour le plaisir de se laisser embarquer par la dérive des sentiments, à l’écoute des humeurs passagères et des plus intenses brûlots ennemis.

Poser les mots pour bâtir des empires emplis de citadelles. Humer l’air vif du petit matin, sentir la farouche morsure de la bise hivernale, écouter le cri perçant de la chouette déchirant la noirceur de la nuit, regarder passer la caravane des nuages dans le fin fond de l’azur. Fermer les yeux, rêver, s’abandonner, s’enivrer des grands espaces et profiter des secondes qui égrènent la longueur monotone des temps.

Juste s’évader. Trouver la force intérieure. Aller plus loin. Entre désirs et attentes.

Les pointillés……. jusqu’à l’infini, sans mot, sans histoire, sans fin. Pourquoi les histoires devraient-elles être inventées ?